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APPAREILS AÉRIENS

les pas faisaient des ornières régulières, c’étaient des chemins de boue très liquides, vieux comme le monde, laissant entre eux de larges mottes ayant le niveau ordinaire de la prairie et sur le sommet desquelles croissait l’herbe. Ces chemins étaient un paradis pour les bécassines et les oiseaux d’eau.

En été, quand le marais était asséché, le sol était transformé en glaise dure comme la pierre ; la configuration du terrain était immobilisée par ce durcissement. C’étaient donc des chemins creux de trente centimètres de profondeur, larges de vingt, souvent couverts par les herbes qui croissaient en abondance sur le sommet de ces mottes régulières.

A cette époque de l’année arrivait l’outarde canepétière, magnifique gallinacé de la grosseur d’une petite femelle de dinde. C’est un des plus beaux coups de fusil qu’on puisse faire, vu la beauté de l’oiseau et la succulence de sa chair. Je les voyais de mon observatoire à la lunette, se dissimulant dans ces passages creux : les têtes seules étaient visibles ; elles étaient là bien cachées de leurs deux ennemis : les aigles et les hommes. Dès qu’un aigle apparaissait au loin, il était signalé ; la bande se tapissait dans les endroits couverts et le rapace, ne voyant rien, continuait sa route.

Pendant deux étés j’essayai au moins cent fois de leur donner la chasse, mais ces oiseaux sont d’une défiance telle qu’à deux cents mètres la compagnie prenait le vol avec ce bruit extraordinaire qui stupéfie le chasseur le plus endurci. Les Arabes, pour dépeindre le vacarme que fait cette outarde en s’envolant, l’ont tout simplement nommée le tonnerre (el raad).

Tant est-il que je n’en tuais jamais.

Si je n’avais rencontré par hasard quelques individus isolés qui se laissèrent surprendre, j’aurais abandonné cette chasse à cause de sa difficulté, mais c’était