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L’ŒUVRE IGNORÉE DE L.-P. MOUILLARD

Épars au milieu des manuscrits inédits de Mouillard, nous avons trouvé le brouillon de cette lettre.

Ce texte était contenu dans le pli formé par une lettre d’annonce de mariage (M. Fernand Brouard avec Mademoiselle Régina Rosenzweig. Le Caire, 2 juin 1890). Sur la première page de couverture, Mouillard a écrit : « Lettre à M. Chanute, 20 novembre 1890 ». À l’intérieur, se trouvent six feuillets constituant les pages d’un texte que nous reproduisons ici tel qu’il se présente dans le manuscrit :


Lettre de Louis Mouillard à O. Chanute.


20 Novembre 1890.


Bien cher Monsieur,

Merci de votre bonne lettre et de la sympathie que vous me témoignez.

Merci aussi de l’idée que vous voulez bien me communiquer. Je suis ici forcé de vous faire une confession qu’il m’est dur d’écrire, mais que je ne puis cacher. — C’est honteux, mais c’est comme cela — Je n’ai pas compris. Je suis tellement rebelle à tout exposé mathématique, que cela n’a rien d’étonnant pour moi, mais, pour les autres, il ne doit pas en être ainsi ; cela doit paraître curieux, je l’avoue. Je suis de ceux qui résoudront un problème très difficile très facilement à leur manière, mais qui sont incapables d’en comprendre même l’exposé, s’il revêt l’aspect d’une formule. Que voulez-vous, cher Monsieur, c’est comme cela, et je ne puis réussir à me réformer. J’ai repris dix fois votre lettre, faisant chaque fois un effort énorme pour la saisir, je n’ai pu comprendre : c’est lettre morte pour moi ; ces prismoïdes me dansent dans la tête et je n’y suis plus, je perds pied. Et cependant j’ai passé ma vie à les étudier ! il est vrai, toujours à ma manière.

Je n’ai jamais pu réussir à faire une division algébrique, ce qui fait que j’ai été pris d’une sainte frayeur de l’algèbre, fait qui déteint fortement dans mes livrer, à la grande épou-