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LA VALISE MYSTÉRIEUSE

"C’est lui qui a assassiné votre père." Les petits me regardèrent sans m’adresser de reproche, mais leur expression était si triste que je m’en suis senti mal. Ils suintaient la sordide pauvreté et allaient à demi-nus. L’un, le plus vieux, s’adressa A moi, et, d’une voix douce infiniment, me dit : “Mon père ne vous avait rien fait pourtant. Depuis qu’il est mort, nous n’avons personne pour prendre soin de nous. Il y a deux jours que nous n’avons pas mangé.’’ Je voulus lui donner de l’argent. "Votre argent ne nous le rendra pas." Et la femme et les petits s’en allèrent par le chemin quêter une maigre pitance. Anne-Marie, je me doute que je suis un assassin. —Tu as eu un cauchemar. Tu étais fatigué, voilà tout. Mais l’ancien caporal demeura taciturne quelques instants comme absorbé en des pensées douloureuses. P uia : —A-t-on déclaré la guerre à l’Allemagne. - -On a dû puisqu’on l’a combattue. Cette réponse ne suffisait pas. La tranquillité d’esprit de Lapointe se changea en un trouble dangereux. Des idées torturantes prirent possession de son cerveau, qui le tenaillaient jour et nuit. A un de ses amis, journaliste ferré sur les questions politiques, il demanda : —Le Canada a-l-il déclaré la guerre à l’Allemagne ? —Non, le Canada est entré dans la guerre parce que l’Angleterre y était. —Alors, nous nous sommes battus comme colonie, dit-il un peu rassuré ? — Non pas. Si tu te souviens, les hommes politiques qui nous gouvernaient nous ont embarqués dans la mêlé comme "nationsoeur ". Et la même question, angoissante, se posa devant lui : —Alors ce sont des meurtres qu’on a fait ? Moi, quand je me suis enrôlé, j’était saoul, je n’avais pas d’ouvrage, et on me payait $1.10 par jour. Alors, pour $1.10 par jour je me suis engagé pour tuer des pères de familles comme moi, que je ne connaissais pas, que je ne détestais pas, qui ne m’avaient jamais rien fait. Le journaliste lui rit au nez en lui disant : —Mon pauvre Lapointe, tu es fou ! Et Lapointe douta davantage. Il douta de la légitimité de la guerre, du droit d’un être humain à tuer un autre être humain. Il en vint à se comparer à un assassin qui guette sa victime à l’encoignure d’une ruelle. Il devint irascible ; il perdit l’appétit, le sommeil. On essaya de lui démontrer que la guerre était juste, nécessaire même. Rien ne put le convaincre. L’n jour il prit une grande résolution. Le matin, avant de partir, il embrassa sa femme et ses enfants, leur disant de ne pas être inquiets, se dirigea vers les quartiers-généraux de la police, et se livra, lui-même, à la justice comme assassin. .. ... Sa raison avait achevé de mourir. Ubald Paqttin. COUPON En nous retournant ce coupon et dix sous, nous vous envoyons sans frais un paquet de RACICOTINE de la valeur d*un dollar, (>1.00). Diplôme et Médaille d’or de Paris En vente avec succès depuis 1881 LA RACICOTINE Le purgatif et dépuratif du sang par excellence. souverain contre la dyspepsie et de tous les maux résultant du mauvais état du sang. En vente partout ANT. RACICOT & CIE IMPORTATEURS 4656, rue Papineau — AMherst 5419