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CHAPITRE I

UN AVOCAT QUI NE SE GÊNE PAS DE DIRE CE QU’IL PENSE


L’ingénieur, James Conrad, habitait, au joli village de Longueuil qui se dresse sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent en face de la cité de Montréal, une villa d’été délicieusement enfouie dans un bouquet de verdure et de fleurs.

Dans un grand salon décoré avec goût et dont les fenêtres donnent sur le fleuve, trois personnages sont réunis. Il est huit heures du soir.

Nous reconnaissons de suite le premier de ces personnages, avec ses paupières clignotantes derrière un lorgnon, c’est l’ingénieur, James Conrad. Il parcourt les journaux du soir, assis à l’écart dans un angle du salon.

Vers le centre et assise près d’une table sur laquelle s’entassent des journaux et des magazines, nous voyons une femme d’une âge mûr et aux cheveux tout blancs. Mais en dépit de l’âge et des cheveux blancs, cette femme possède une figure encore fraîche. Les yeux, bruns, sont doux et expressifs. Les traits sont délicats et réguliers. Les lèvres, bien dessinées, conservent encore un peu de leur incarnat du jeune âge. Cette femme, c’est Mme Conrad. Elle a dû être très belle en sa jeunesse, car on la trouve encore jolie. Toute sa personne révèle une distinction innée.

Plus loin, assise devant un piano, nous retrouvons cette délicieuse jeune fille qu’est Ethel Conrad. Ce soir-là, elle est vêtue d’une jolie robe de dentelle blanche. Un modeste décolleté laisse voir la nuque de nacre sur laquelle repose la lourde natte de ses cheveux châtain clair. À cet instant, la jeune fille laisse ses doigts fuselés errer distraitement sur le clavier, et l’instrument rend une mélopée d’exquise langueur.