Page:Lebesgue - Leçons sur l'intégration et la recherche des fonctions primitives, 1928.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
3
L’INTÉGRALE AVANT RIEMANN.

métriques et les figures qui n’étaient pas définies ainsi. Les courbes de la première espèce ou courbes géométriques définissaient des fonctions  ; les courbes de la seconde espèce ou courbes arbitraires ne définissaient pas de vraies fonctions. Lorsqu’on employait le mot fonction pour ces deux espèces de correspondances entre et , on distinguait les premières en les appelant fonctions continues[1].

Il y avait aussi une catégorie intermédiaire de fonctions, celles qui étaient représentées à l’aide de plusieurs arcs de courbes géométriques ; on les considérait plus volontiers comme formées de parties de fonctions.

Les fonctions continues étaient les vraies fonctions. On donnait ainsi au mot fonction un sens assez restreint parce qu’on croyait que toute fonction continue, définie géométriquement ou non, était représentable par une expression analytique, de la nature de celles dont il a été parlé précédemment, et qu’on croyait cela impossible pour les fonctions non continues.

Mais Fourier montra que les séries trigonométriques, qui pouvaient être employées dans des cas étendus à la représentation des fonctions continues, pouvaient servir aussi à la représentation de fonctions non continues formées de parties de fonctions. En particulier, une fonction nulle de 0 à π, égale à 1 de π à 2π, admet un développement trigonométrique convergent. Le seul critère permettant de distinguer les vraies fonctions des fausses disparaissait. Il fallait, ou bien étendre le sens du mot fonction, ou bien restreindre la catégorie des expressions algébriques, trigonométriques, exponentielles qui pouvaient servir à définir des fonctions.

Cauchy remarqua que les difficultés qui résultent des recherches de Fourier se présentent même lorsqu’on ne se sert que d’expressions très simples, c’est-à-dire que, suivant le procédé employé pour donner une fonction, elle apparaît comme continue ou non. Cauchy cite, comme exemple, la fonction égale à pour positif, à pour négatif. Cette fonction n’est pas continue, elle est formée de parties des deux fonctions continues et  ; elle apparaît au contraire comme continue quand on la note .

  1. Cette continuité est connue sous le nom de continuité eulérienne.