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NOTE.

L’étude des fonctions possédant une certaine propriété en chacun de leurs points, conduit tout naturellement à utiliser les chaînes d’intervalles[1], donc la récurrence transfinie. Chacun de ces raisonnements pourra être transformé comme il vient d’être dit de façon à n’utiliser que les propriétés du continu.

Il semble beaucoup plus difficile d’éliminer le transfini des autres applications que nous en faisons ici : théorème de Cantor-Bendixson, résultats de M. Baire, théorie de la totalisation. Mais une distinction s’impose. Nous avons décomposé le théorème de Cantor-Bendixson en deux énoncés VI et VII. L’énoncé VI se réfère à la notion des dérivés qui n’a été acquise que par récurrence transfinie, nous ne pouvons donc pas justifier cet énoncé sans l’emploi du transfini ; l’énoncé VII, au contraire, est une propriété des ensembles fermés que l’on peut espérer obtenir sans le transfini.

On peut dire encore que VII est le théorème d’existence de Cantor-Bendixson et que VI fournit un procédé opératoire transfini pour résoudre le problème de Cantor-Bendixson : « étant donné un ensemble fermé , on demande de le décomposer en un ensemble dénombrable et un ensemble parfait  ».

De même, il y a à distinguer, à l’occasion des recherches de M. Baire, entre le théorème de M. Baire : « toute fonction de classe un est ponctuellement discontinue sur tout ensemble parfait et inversement » et le problème de M. Baire : « étant donnée une fonction ponctuellement discontinue sur tout ensemble parfait, trouver une série de fonctions continues dont elle soit la somme ? » Rien n’empêche d’espérer que l’on puisse démontrer le théorème de M. Baire sans l’emploi du transfini, mais le procédé opératoire, donné par M. Baire pour résoudre le problème de M. Baire, est transfini ; il ne saurait être justifié sans le transfini.

Dans les recherches de M. Denjoy, les énoncés se réfèrent à l’opération de totalisation dont la définition même est transfinie ; on ne peut espérer s’y passer du transfini.

Mais rien n’empêche d’espérer qu’on arrivera à remplacer le procédé opératoire de Cantor-Bendixson (énoncé VI), le procédé opératoire de M. Baire, la totalisation de M. Denjoy par des procédés non transfinis et permettant cependant de résoudre les problèmes de Cantor-Bendixson, le problème de M. Baire, le problème des fonctions primitives.

En fait, on a pu démontrer sans le transfini le théorème de Cantor-Bendixson et le théorème de Baire, et l’on peut résoudre le problème de Cantor-Bendixson sans le transfini. Voyons comment.

Dans les trois ordres de recherches dont il s’agit actuellement, les nombres transfinis sont intervenus pour noter les éléments successifs de suites ; ces

    formes de démonstrations, la grande élégance de certaines d’entre elles, et le progrès qu’il y a à utiliser les procédés les plus simples. C’est au contraire la comparaison de ces formes de démonstrations qui m’a conduit aux réflexions que j’expose dans le texte.

  1. Voir la note 2 de la page 112.