Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/18

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Près de lui Henriette suffoquait, le visage luisant de sueur et sali de poussière, les cheveux en mèches droites et tristes, la bouche contractée, les yeux. mornes, et laide, oui, vraiment laide, et disgracieuse, et mal habillée…

Nous restâmes ainsi à nous regarder, peut-être bien dix minutes, dix longues minutes absurdes et silencieuses, chacun essayant de reprendre son souffle et de rassembler ses forces éparses. Et je ne sais pas, je ne comprends pas ce qui s’est passé en moi. Ce fut irréfléchi, irrésistible, immédiat, ce fut le dénouement simple, logique, fatal de la situation ridicule où nous nous trouvions : je montai sur ma bicyclette et, sans tourner la tête, je m’en allai sur la grande route, tout doucement, tout lâchement, en bon promeneur qui n’aime pas se mêler des affaires d’autrui.

Maurice LEBLANC