Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/212

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Un instant les deux hommes se contemplèrent sous le déguisement étrange de leurs épaisses fourrures. Plutôt qu’un amant et qu’un mari outragé, c’étaient là, en présence, deux chauffeurs qui venaient de lutter et dont l’un a battu nettement l’autre.

Du moins il fut impossible à Védreuil d’éprouver un autre sentiment. Et il le formula de la manière la plus précise :

— Vous avez voulu faire faire à Madame une petite promenade en automobile. Moi, j’ai voulu simplement vous rejoindre pour vous dire de continuer cette promenade à votre aise, longtemps, toute la vie si ça vous plaisait. Et je vous ai rejoint. Je ne demandais pas autre chose.

Il s’inclina devant sa femme et lui dit : « Bon voyage, madame… » d’un ton ironique, comme s’il la plaignait d’avoir pour compagnon de route un si mauvais champion.

Et il partit joyeusement, allègrement, en homme qui va poursuivre son chemin à l’allure qui lui agrée et sans souci des rivaux qu’il écrase dans son triomphe.

Maurice LEBLANC.