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CONTES DU SOLEIL ET DE LA PLUIE

PETITE HALTE

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La route va droit à l’abîme. Au moment où elle s’y jette, un virage brusque la courbe à gauche et la dirige vers la profonde valleuse de Brametot.

Le point de vue est célèbre. Louise exigea de son mari qu’on s’y arrêtât jusqu’à ce que l’automobile des Langeval, moins rapide que la leur, les eût rejoints.

Bernard grogna, selon son habitude, et ne voulut pas descendre. Louise sauta de voiture et courut au bord de la falaise.

Elle tombe à pic sur des champs de galet, où se hérissent, çà et là, d’énormes rochers blancs. La grande mer s’étale au delà, emplit l’horizon, se déploie le long des côtes. On la voit partout, à l’infini, changeante et vivante, bleue, verte, grise, sombre et radieuse, couleur d’argent, couleur de ciel, couleur de soleil.

À droite c’est Fécamp, plus loin Dieppe, plus loin d’autres plages à peines visibles. À gauche c’est Étretat. Et dans le fond de la valleuse le petit village de Bramelot se couche parmi les grands arbres.

Louise revint, grisée de lumière, un peu lasse aussi, car la chaleur était accablante.

— C’est merveilleux, dit-elle, aie donc le courage de descendre.

Ne recevant pas de réponse, elle regarda Bernard. Il n’avait point bougé de sa place. Il dormait.

Alors elle prit son ombrelle et s’assit à gauche de la route, au revers d’un talus.