Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/447

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Louis Follet, le fils du notaire, qui, le premier, avais suivi l’exemple donné dans toutes les régions environnantes, fut la première victime. Le percepteur vint ensuite, et successivement tous ceux qui s’offrirent le luxe d’une bicyclette.

Et le mal ne sévissait pas seulement à Navailles. À dix lieues à la ronde on pouvait citer des cas analogues. Et, en revanche, on n’aurait pu citer aucun vol qui n’eût point pour objet une bicyclette.

Étrange chose { Quels étaient les coupables ? Et à quels motifs obéissaient-ils ?

Toutes les enquêtes ouvertes par la justice échouèrent. Des bicyclettes disparaissaient, voilà tout ce qu’il était possible d’affirmer.

On crut longtemps à l’existence d’une bande qui les volait pour les revendre. Mais pourquoi cette bande n’opérait-elle que dans un rayon si restreint ? D’ailleurs, il arriva plusieurs fois que des machines furent, non point volées, mais simplement brisées. Leurs propriétaires les retrouvaient à quelques centaines de mètres, tordues, cassées à coups de marteau, ou bien piétinées et comme frappées à coups de bottes.

Et tous ces événements s’accomplissaient avec une telle rigueur, il y avait là une force si précise et si implacable que l’on n’osait plus s’insurger contre cet ordre mystérieux.

Nouveau venu, l’abbé Géroze insista. Il fit l’acquisition d’une seconde bicyclette : elle disparut. Il s’en procura une troisième qu’il enfermait dans sa chambre et surveillait attentivement. Un matin il culbuta dans une côte. Quand il se releva sa machine avait disparu.

Il était assez riche ; il commanda une petite automobile, apprit à conduire, et un jour amena sa voiturette à Navailles.