Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/86

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Elle était vraiment charmante, bien prise en son boléro de drap bleuté ouvert sur une chemisette blanche, et en sa jupe courte qui dessinait exactement la forme de ses hanches et s’évasait à hauteur des chevilles en plis souples et ondoyants.

— Allons, me dit-elle.

Tout de suite, entre nous, la conversation fut des plus libres et des plus naturelles, sans pose ni embarras. Je n’ai jamais rencontré personne qui donnât l’impression d’une plus grande spontanéité. On la sentait enjouée et simple, franche et claire, instinctive et puérile. Son sourire avait une séduction pour ainsi dire loyale et semblait l’expression visible d’une âme fraîche et heureuse. Ses gestes étaient gracieux et précis.

Nous étions tellement à l’aise l’un avec l’autre, que je lui dis tout cela en plaisantant, tandis que nous roulions dans la forêt de Roumare.

— L’effort de vos jambes est juste, c’est pourquoi il est invisible et si léger. Vous donnez ce qu’il faut, ni trop ni pas assez, et avec une décision, une certitude où l’on devine des réserves de force.

Elle riait, et si délicieusement ! C’était comme une musique qui s’égrenait derrière nous. Et elle chantait aussi d’une voix délicate qui ne troublait pas le silence, mais au contraire se mêlait harmonieusement avec lui. Et elle me regardait parfois, comme on regarde un ami dont on sait depuis longtemps l’affection éprouvée et qui vous pardonne d’être un peu coquette.

Des renseignements sur elle ? On ne pensait même pas à lui en demander. L’aventure me plaisait d’autant plus qu’elle gardait un côté de mystère. Je ne savais pas d’où elle venait, je ne savais point où nous allions, je me laissais guider par cette enfant vers un but qu’elle ignorait peut-être elle-même, et c’est exquis de s’abandonner ainsi aux caprices du hasard.