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CONTES DU SOLEIL ET DE LA PLUIE

L’ITINÉRAIRE BALZAC

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C’est sur la route de Redon à Guérande que je fis la connaissance de ce touriste original, et c’est en traversant la Vilaine, à la Roche-Bernard, qu’il s’écria, répondant à l’une de mes questions :

— Moi, monsieur, j’ai deux passions, toutes deux exclusives et violentes, la lecture et les voyages, et je suis heureux parce que j’ai trouvé le moyen de les accorder et de les fondre si bien l’une avec l’autre qu’en réalité je n’en ai plus qu’une. Mes voyages sont les conséquences de mes lectures, et mes lectures dérivent de mes voyages.

Pour parler plus clairement, je ne visite un pays qu’après avoir lu tout ce qui a été écrit sur lui par les grands écrivains de tous les temps. En Grèce, mon Baedecker à moi, c’est Homère et son Odyssée, c’est Châteaubriand, c’est Renan. J’ai parcouru l’Espagne avec Théophile Gautier, Dumas et Mérimée, l’Italie avec Mme de Staël, Stendhal et Taine, le nord de l’Afrique avec Flaubert, le monde avec Pierre Loti.

Mais c’est en France que j’ai goûté mes plus grandes joies, et non point tant dans les livres de ceux qui l’ont décrite, que dans les romans mêmes de nos romanciers.

Ils la connaissent si bien, eux, ils la sentent si profondément, ils l’aiment si sincèrement, et ils savent si bien vous la faire aimer ! La « douce France » vit en leurs livres d’amour, elle y respire, elle y chante, elle y est heureuse et triste, et triste, et amicale, et grandiose et belle toujours, incomparablement belle.