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“813”

— Au coup de couteau, oui, dit Altenheim sans se troubler. Mais j’ai toujours eu envie d’empoisonner quelqu’un. Je voulais savoir quel goût ça avait.

— Bigre ! mon bonhomme, tu choisis bien tes morceaux. Un prince russe !

Il s’approcha d’Altenheim et lui dit d’un ton confidentiel :

— Sais-tu ce qui serait arrivé si tu avais réussi, c’est-à-dire si mes amis ne m’avaient pas vu revenir à trois heures au plus tard ? Eh bien, à trois heures et demie, le Préfet de Police savait exactement à quoi s’en tenir sur le compte du soi-disant baron Altenheim, lequel baron était cueilli avant la fin de la journée et coffré au Dépôt.

— Bah ! dit Altenheim, de prison on s’évade tandis qu’on ne revient pas du royaume où je t’envoyais.

— Évidemment, mais il eût d’abord fallu m’y envoyer, et cela ce n’est pas facile.

— Il suffisait d’une bouchée d’un de ces gâteaux.

— En es-tu bien sûr ?

— Essaie.

— Décidément, mon petit, tu n’as pas encore l’étoffe d’un grand maître de l’Aventure, et sans doute ne l’auras-tu jamais, puisque tu me tends des pièges de cette sorte. Quand on se croit digne de mener la vie que nous avons l’honneur de mener, on doit aussi en être capable, et, pour cela, être prêt à toutes les éventualités… même à ne pas mourir si une fripouille quelconque tente de vous empoisonner… Une âme intrépide dans un corps inattaquable, voilà