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Page:Leblanc - 813, 1910.djvu/205

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il l’observa. La main d’Altenheim était engagée dans la poche de son veston, et Sernine vit, à travers l’étoffe, cette main qui se crispait au manche d’un poignard, hésitante, indécise, tour à tour résolue et sans force.

Moment délicieux ! Allait-il frapper ? Qui remporterait, de l’instinct peureux et qui n’ose pas, ou de la volonté consciente, toute tendue vers l’acte de tuer ?

Le buste droit, les bras derrière le dos, Sernine attendait, avec des frissons d’angoisse et de plaisir. Le baron s’était tu, et dans le silence ils marchaient tous les deux côte à côte.

— Mais frappe donc ! s’écria le prince avec impatience.

Il s’était arrêté, et, tourné vers son compagnon :

— Frappe donc, disait-il, c’est l’instant ou jamais ! Personne ne peut te voir. Tu files par cette petite porte dont la clef se trouve par hasard accrochée au mur, et bonjour, baron… ni vu ni connu… Mais j’y pense, tout cela était combiné… C’est toi qui m’as amené ici… Et tu hésites ? Mais frappe donc !

Il le regardait au fond des yeux. L’autre était livide, tout frémissant d’énergie impuissante.

— Poule mouillée ! ricana Sernine. Je ne ferai jamais rien de toi. La vérité, veux-tu que je te la dise ? Eh bien, je te fais peur. Mais oui, tu n’es jamais très sûr de ce qui va t’arriver quand tu es en face de moi. C’est toi qui veux agir, et ce sont mes actes, mes actes possibles, qui dominent la situation. Non, décidément, tu n’es pas encore celui qui fera pâlir mon étoile !