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Page:Leblanc - 813, 1910.djvu/384

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“813”

Elle hésita une seconde, puis murmura :

— J’ai peur.

— Peur ! s’écria-t-il.

— Oui, fit-elle à voix basse, j’ai peur, j’ai peur de tout, peur de ce qui est et de ce qui sera demain, après-demain… peur de la vie. J’ai tant souffert… je n’en puis plus.

Il la regardait avec une grande pitié. Le sentiment confus qui l’avait toujours poussé vers cette femme prenait un caractère plus précis aujourd’hui qu’elle lui demandait protection. C’était un besoin ardent de se dévouer à elle, entièrement, sans espoir de récompense.

Elle poursuivit :

— Je suis seule, maintenant, toute seule, avec des domestiques que j’ai pris au hasard, et j’ai peur… je sens qu’autour de moi on s’agite.

— Mais dans quel but ?

— Je ne sais pas. Mais l’ennemi rôde et se rapproche.

— Vous l’avez vu ? Vous avez remarqué quelque chose ?

— Oui, dans la rue, ces jours-ci, deux hommes ont passé plusieurs fois, et se sont arrêtés devant la maison.

— Leur signalement ?

— Il y en a un que j’ai mieux vu. Il est grand, fort, tout rasé, et habillé d’une petite veste de drap noir, très courte.

— Un garçon de café ?

— Oui, un maître d’hôtel. Je l’ai fait suivre par un de mes domestiques. Il a pris la rue de la Pompe et a pénétré dans une maison de vilaine apparence dont le rez-de-chaussée est