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“813”
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Repris de rage, il frappait du pied et montrait le poing vers la fenêtre ouverte. Et il se mit à marcher d’un bout à l’autre de la pièce, et il jetait des phrases où éclatait la violence de ses pensées secrètes.

— L’imbécile ! Il n’a donc pas vu ce que j’attendais de lui ? Il n’a donc pas deviné la grandeur de son rôle ? Ah ! ce rôle, je le lui entrerai de force dans le crâne. Haut la tête, crétin ! Tu seras grand-duc de par ma volonté ! Et prince régnant ! avec une liste civile, et des sujets à tondre ! et un palais que Charlemagne te rebâtira ! et un maître qui sera moi. Lupin ! Comprends-tu, ganache ? Haut la tête, sacré nom, plus haut que ça ! Regarde le ciel, souviens-toi qu’un Deux-Ponts fut pendu pour vol avant même qu’il ne fût question des Hohenzollern. Et tu es un Deux-Ponts, nom de nom, pas un de moins, et je suis là, moi, moi. Lupin ! Et tu seras grand-duc, je te le dis, grand-duc de carton ? Soit, mais grand-duc quand même, animé par mon souffle et brûlé de ma fièvre. Fantoche ? Soit. Mais un fantoche qui dira mes paroles, qui fera mes gestes, qui exécutera mes volontés, qui réalisera mes rêves… oui… mes rêves…

Il ne bougeait plus, comme ébloui par la magnificence de son rêve intérieur.

Puis il s’approcha de Dolorès, et, la voix sourde, avec une sorte d’exaltation mystique, il proféra :

— À ma gauche, l’Alsace-Lorraine… À ma droite, Bade, le Wurtemberg, la Bavière, l’Allemagne du Sud… tous ces états mal soudés, mécontents, écrasés sous la botte du