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Elle respirait encore. Avec une délicatesse infinie, il souleva la tête et la plaça sur son bras étendu, et il demanda :

— Vous m’entendez ?… Vous pouvez me répondre ?

Elle eut un soubresaut. De tout ce qui lui restait de force, elle essaya de parler, et tout son être se tendait dans une volonté de vengeance contre l’abominable complice qui s’était débarrassé d’elle. Des syllabes, des mots indistincts passèrent entre ses lèvres.

Incliné sur elle, il répétait :

— Parlez… il est indispensable…

Les sons se succédaient, inintelligibles, cependant qu’une petite mousse de sang suintait, au coin de la bouche.

Deux ou trois convulsions la secouèrent.

Puis ce fut l’immobilité ; son visage se couvrit d’une pâleur mortelle, se détendit, s’imprégna de calme et de douceur. Pourtant les lèvres continuaient leur effort, inconscient, le ton de la voix s’élevait, et une ou deux syllabes se précisèrent :

— Vil… villa… villa…

Un dernier spasme… Elle expira.


III


— Et Mme Kesselbach ! et Hartog ! s’exclama M. Lenormand… Dieu sait ce que ces bandits ont pu faire !

Il songea à repartir tout de suite, ou à détacher deux de ses compagnons. Mais, outre qu’il les savait exténués par la poursuite. il pensa qu’en définitive il ne servait à rien de se hâter, puisque tout était consommé là-bas, dans un sens ou dans l’autre.

Il fallut plus d’une heure pour trouver une auberge, réveiller le patron et les domestiques, faire atteler un break et placer le cadavre.

Enfin, au milieu de la nuit, la petite troupe s’en retourna vers Garches an trot d’un cheval poussif, que menait, en dormant, la femme de l’aubergiste.

— Ce qui m’agace, murmura M. Lenormand, c’est qu’il faudra prévenir le Parquet. On va mettre le nez dans nos affaires. Je n’aime pas ça.