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Était-ce là simplement le geste inconscient de la ménagère ?

Sernine, en s’inclinant vers Geneviève, dit à voix basse :

— Appelez Suzanne immédiatement… n’importe quel prétexte.

Elle sonna, Suzanne reparut sur le seuil de la porte. Sernine eut l’impression que la bonne essayait de lui barrer le passage. Il dut la pousser un peu. et, en descendant l’escalier, il entendit Geneviève qui disait :

— Oh ! je vous demande pardon Suzanne, j’ai sonné par distraction. Je ne sais pas à quoi je pense.

Le plateau était posé sur un guéridon du vestibule. Sernine aperçut le papier jaune. Il eut juste le temps de lire :


« Baron Altenheim,

» 20, villa Dupont, Paris. »

— Enfin, se dit-il, j’ai un adversaire en face de moi. Ça va chauffer.


II


C’était le Grand-Steeple à Auteuil. Il y avait foule au pesage. Sous les grands arbres, devant les guichets du mutuel, autour du paddock, le long des barrières de la piste, dans les tribunes, partout, on se coudoyait et on se bousculait.

Un lourd soleil d’été embrasait l’espace. L’approche de la grande épreuve, particulièrement intéressante cette année-là. augmentait l’animation et le tumulte.

Le prince Sernine, serré dans une redingote grise d’excellente façon, sa lorgnette en bandoulière, l’aspect plus slave que jamais, circulait au milieu des groupes, échangeait des poignées de mains. saluait des dames, souriait aux interpellations.

— Comment, Sernine, vous voilà ! Il n’y a donc plus de panthères ni d’ours blancs dans ce bas monde ?

Il s’arrêtait un instant, causait et repartait.

De temps en temps, il croisait un jeune homme, plus loin un autre, et leur jetait quelques mots sans avoir l’air de les connaître.