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En lui, cependant, son cœur battait à grands coups, et il se dit :

— Nom d’un chien ! si c’est ce que je crois, et si j’arrive à ce que je veux, je suis un rude type !


II

Munis d’une permission en règle, signée par le directeur de la première division à la Préfecture de police, les visiteurs sont introduits dans les étroites cellules qui servent de parloirs. Ces cellules, coupées au milieu par deux grillages, que sépare un intervalle de cinquante centimètres, ont deux portes, qui donnent sur deux couloirs différents. Le détenu entre par une porte, le visiteur par l’autre. Ils ne peuvent donc ni se toucher, ni parler à voix basse, ni opérer entre eux le moindre échange d’objets. En outre, dans certains cas, un gardien peut assister à l’entrevue.

En l’occurrence, ce fut le gardien-chef qui eut cet honneur.

— Qui diable a obtenu l’autorisation de me faire visite ? s’écria Lupin en entrant. Ce n’est pourtant pas mon jour de réception.

Pendant que le gardien fermait la porte, il s’approcha du grillage et examina la personne qui se tenait derrière l’autre grillage et dont les traits se discernaient confusément dans la demi-obscurité.

— Ah ! fit-il avec joie, c’est vous, monsieur Stripani ! Quelle heureuse chance !

— Oui, c’est moi, mon cher prince.

— Non, pas de titre, je vous en supplie, cher monsieur. Ici, j’ai renoncé à tous ces hochets de la vanité humaine. Appelez-moi Lupin, c’est plus de situation.

— Je veux bien, mais c’est le prince Sernine que j’ai connu, c’est le prince Sernine qui m’a sauvé de la misère, et qui m’a rendu le bonheur et la fortune, et vous comprendrez que, pour moi, vous resterez toujours le prince Sernine.

— Au fait ! monsieur Stripani… Au fait ! Les instants du gardien-chef sont précieux,