— Gérard Baupré attend demain matin une lettre, un secours…
— Oui, sa dernière cartouche.
— Cette lettre, il ne faut pas qu’il la reçoive. Si elle arrive, cueille-la au passage et déchire-la.
— Bien, patron.
— Tu es seul, dans ton hôtel ?
— Oui, seul avec la cuisinière, qui ne couche pas, et avec le patron M. Gossart.
— Je connais. J’ai pris mes renseignements. La famille de M. Gossart habite Barcelonnette. Eh bien, demain M. Gossart recevra une dépèche de Barcelonnette lui annonçant que son père est à toutes extrémité. Comme cela nous serons mares de l’hôtel durant trois jours.
— Ah ! patron, quel homme vous faites ! Vous pouvez tout, n’est-ce pas ?
— À peu prés.
— Alors, patron, rassurez-moi. Vous savez que j’étais l’ami de Marco et de Jérôme. Est-il vrai que vous les ferez évader ?
— Oui.
— À quelle époque ?
— Comment, à quelle époque ! N’ai-je point fixé le vendredi 31 mai ? Je n’ai qu’une parole.
— De sorte que Marco et Jérôme seront libres ?
— Le vendredi 31 mai. Tu peux leur préparer un champagne d’honneur.
Chapitre IV
Pierre Leduc est mort. Vive Pierre Leduc !
I
L’ombre s’étendait sur la campagne. La forme des choses s’évanouit peu à peu, et, seule, la silhouette des grands arbres se dressait dans un ciel noir où traînait encore un reste de clarté.
D’épaisses ténèbres enveloppaient le chemin qui conduisait de la route à l’école de Geneviève. Il y avait comme des trous, à droite et à gauche, où l’obscurité semblait s’accumuler de minute en minute, sous l’abri de feuillages plus lourds.
Un homme s’engagea lentement dans le sentier, puis s’arrêta et dit :
— Tu es là ?
— Oui, fit une voix qui parlait de l’une des cachettes les plus sombre.s Comment le sais—tu ?