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ARMELLE ET CLAUDE

ment pas d’une façon constante et absolue sont des dégénérés et des malades. La meilleure preuve en est que le pouvoir d’aimer coïncide avec la période où la vie atteint sa plus grande intensité. Être jeune, cela signifie être capable d’amour. Toutes les autres occupations sont des passe-temps, de même que la brume, la pluie, la neige sont les intermèdes d’un état normal qui est le plein soleil.

L’ardeur de sa voix frappa Mlle de Rhuis. D’ordinaire on eût pu constater en lui plutôt une certaine hésitation de parole. Maintenant les mots coulaient de sa bouche abondamment. Il continuait :

— Toute ambition me paraît misérable qui n’est pas celle d’aimer. Et je n’appelle pas amour cette petite liaison commune des gens qui cherchent une distraction. Aimer, c’est s’anéantir, se dépouiller de sa personnalité, sacrifier tout ce qui fait qu’on est soi et non un autre. Quand j’aime, je n’existe plus, quoique j’existe cent fois davantage. J’ai la joie farouche de m’échap-