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ARMELLE ET CLAUDE

exercé, aussi facile à faire éclore qu’une plante. Il suffit de connaître et de réunir toutes les conditions de terrain, de chaleur, d’atmosphère, d’orientation, et la plante germera.

— Encore faut-il semer quelque graine.

— La graine, c’est la parole. Soyons francs : dès que je conçois la possibilité d’un sentiment quelconque, je fais luire le mirage de l’amour exclusif, et toutes les femmes y sont prises, car c’est l’amour qu’elles ont rêvé et que prescrivent les romans. Je sais les formules, mon répertoire est complet, et, en vérité, c’est malgré moi que je parle.

— C’est malgré vous, dit-elle, oui, c’est cela sans doute que j’ai senti l’autre soir. Il m’a semblé, je m’en rends compte, que vous parliez en dehors de votre pensée, que vous exprimiez ce qui n’était pas en vous. Comme les autres, peut-être aurais-je été prise à l’appât des mots, si ces mots avaient satisfait à mon idéal. Mais mon idéal est ailleurs.