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L’ILLUSTRATION THÉÂTRALE

obtenir cette nuance. C’est le jardinier de M. Gournay-Martin.

Le Duc. — Mais alors… les voleurs de cette nuit… mais oui… ça ne peut être…

Guerchard. — Allez… dites votre idée.

Le Duc. — Les Charolais.

Guerchard. — Parbleu !

Le Duc. — C’est vrai… C’est passionnant. Ah ! si l’on pouvait avoir une preuve !

Guerchard. — Nous l’aurons tout à l’heure.

Le Duc. — Comment ça ?

Guerchard. — Oui, j’ai téléphoné à Charmerace. Le jardinier était absent, mais dès son retour, il m’appellera au téléphone. Nous saurons alors qui a pénétré dans les serres.

Le Duc. — C’est passionnant ! Ces indices… ces pistes qui se croisent… Chaque fait qui peu à peu reprend sa place normale… Passionnant !… Une cigarette ?

Guerchard. — C’est du caporal ?

Le Duc. — Non, du tabac jaune, du Mercédès.

Guerchard. — Merci.

Le Duc, allumant une cigarette. — Oui, passionnant. Alors, les voleurs venaient de Charmerace… Ce sont les Charolais… Ils sont partis de l’hôtel voisin et c’est par là qu’ils sont entrés.

Guerchard. — Ah ! non…

Le Duc. — Non ?

Guerchard. — Non, ils sont entrés par la porte de l’hôtel où nous sommes.

Le Duc. — Mais qui leur aurait ouvert ? Un complice, alors ?

Guerchard. — Oui.

Le Duc. — Qui ?

Guerchard, il sonne. À Boursin qui entre. — Fais venir Victoire, la femme de charge.

Le Duc. — Comment ! Victoire ! Le juge d’instruction l’a interrogée cet après-midi ; il semblait croire à son innocence.

Guerchard. — Oui… comme il semblait aussi n’ajouter qu’une importance secondaire à la piste de la cheminée, celle que nous venons de vérifier ensemble. L’innocence de Victoire ! Monsieur le duc, il y a certainement un innocent dans tout ceci. Savez vous qui c’est ?

Le Duc. — Non.

Guerchard. — Le juge d’instruction.


Scène II

Les mêmes, VICTOIRE

Boursin fait entrer Victoire.

Victoire, entrant, à Boursin. — On va encore me cuisiner ? (Elle entre, à Guerchard.) C’est-y qu’on va encore me cuisiner ?

Guerchard. — Asseyez-vous. Vous couchez dans une mansarde dont la lucarne donne sur le toit.

Victoire. — À quoi ça sert tout ça, à quoi ça sert ?

Guerchard. — Voulez-vous me répondre ?

Victoire. — J’ai déjà répondu, oui, à un autre juge. Même que celui-là est bien conciliant : mais vous, je sais point ce que vous avez après moi !…

Guerchard. — Vous avez donc passé la nuit dans votre mansarde, et vous n’avez entendu aucun bruit sur le toit…

Victoire. — Sur le toit, maintenant… V’là un malheur…

Guerchard. — Vous n’avez rien entendu ?

Victoire. — J’ai dit ce que j’ai dit : j’ai entendu des bruits qu’étaient pas catholiques et qui sortaient des escaliers… Je suis entrée dans ce salon et j’ai vu… ce que j’ai vu.

Guerchard. — Mais qu’avez-vous vu ?

Victoire. — Des maraudeurs… Ils s’enfuyaient par la fenêtre avec des sacs d’objets.

Guerchard. — Par la fenêtre ?…

Victoire. — Oui.

Guerchard. — Pas par la cheminée ?…

Victoire. — La cheminée… V’là encore un malheur !

Le Duc, à Guerchard. — Elle a l’air d’une brave femme, pourtant.

Guerchard, à Victoire. — Tout à l’heure, où étiez-vous placée ?

Victoire. — Dans la cheminée, derrière l’écran…

Guerchard. — Mais quand vous êtes entrée…

Victoire. — Oh ! l’écran n’était point là.

Guerchard. — Montrez-moi où il était… Déplacez-le… Attendez ! Ah ! il ne faut pas perdre l’emplacement exact des quatre pieds. Voyons… de la craie… Ah ! vous êtes un peu couturière ici, n’est ce pas, ma brave femme ?

Victoire. — Oui. C’est moi qui raccommode pour les domestiques et qui m’occupe de la couturière.

Guerchard. — Parfait. Alors, vous devez bien avoir sur vous un bout de craie de savon !

Victoire. — Oh ! ça, toujours… (Elle relève sa jupe, va pour fouiller dans la poche de son jupon, se ravise, effarée, et dit :) J’sais point pourquoi j’ai dit ça… Ah ! non, j’en ai point.

Guerchard. — Vous êtes sûre ? Voyons donc ça. Il fouille dans la poche de son tablier.

Victoire. — Ben quoi ! v’là des manières, voulez-vous me laisser ; mais voulez-vous… vous me chatouillez…

Guerchard, trouvant un morceau de craie bleue. — Enfin, ça y est !… Boursin, embarque-la.

Victoire. — Quoi !… mais Jésus-Marie ! Je suis innocente. C’est pas parce qu’on a du savon, de la craie de savon, qu’on est une voleuse.

Guerchard. — C’est entendu ! Boursin, dès que la voiture cellulaire sera là, embarque-moi ça au dépôt.

Victoire. — Jésus-Marie ! Jésus-Marie !

Elle sort.

Guerchard. — Et d’une !


Scène III

LE DUC, GUERCHARD. BOURSIN, BONAVENT

Le Duc. — Victoire !… Je n’en reviens pas. Alors, cette craie… C’était la même que sur ces murs ?…

Guerchard. — Oui, de la craie bleue. Voyez-vous, monsieur le duc, ça et la fleur de salvia. (Boursin qui revient.) Qu’est-ce que c’est ?

Boursin. — C’est Bonavent qui a du nouveau.

Guerchard. — Ah !… (Entre Bonavent.) qu’est-ce qu’il y a ?

Bonavent, entrant. — Voilà, patron… trois auto-camions ont stationné cette nuit devant l’hôtel voisin…

Guerchard. — Ah ! comment le sais-tu ?