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Page:Leblanc - Arsène Lupin contre Herlock Sholmès (La Dame blonde suivi de La Lampe juive), paru dans Je sais tout, 1906-1907.djvu/10

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— Justement. Dès la première entrevue aux abords du lycée, tout était réglé. Depuis, Mlle Gerbois et sa nouvelle amie ont voyagé, visitant la Belgique et la Hollande, de la manière la plus agréable et la plus instructive pour une jeune fille. Du reste elle-même va vous expliquer…

On sonnait à la porte du vestibule, trois coups rapides, puis un coup isolé. Sur un signe d’Arsène Lupin, Me Detinan se précipita.



La dame blonde apparaît — Ganimard se montre — Arsène Lupin s’en va


Deux jeunes femmes entrèrent. L’une se jeta dans les bras de M. Gerbois. L’autre s’approcha de Lupin. Elle était de taille élevée, le buste harmonieux, la figure assez pâle, et ses cheveux blonds se divisaient en deux bandeaux ondulés et très lâches.

Arsène Lupin lui dit quelques mots, et saluant la jeune fille :

— Je vous demande pardon, Mademoiselle, de toutes ces tribulations, mais j’espère cependant que vous n’avez pas été trop malheureuse…

— Malheureuse ! J’aurais été très heureuse, s’il n’y avait pas eu mon pauvre père.

Elle embrassa de nouveau M. Gerbois. Arsène Lupin se dirigea vers la fenêtre.

— Ce bon Ganimard est-il toujours là ?… Il aimerait tant assister à ces touchantes effusions de famille !… Plus personne… ni lui ni les autres… Diable ! Ils doivent être sous la porte cochère, chez le concierge, dans l’escalier même.

M. Gerbois laissa échapper un mouvement. Maintenant que sa fille lui était rendue, le sentiment de la réalité lui revenait. Instinctivement il fit un pas. Comme par hasard, Lupin se trouva sur son chemin.

— Où allez-vous, M. Gerbois ? Me défendre contre eux ? Bah ! je vous jure qu’ils sont plus embarrassés que moi.

Et il continua en réfléchissant :

— Au fond que savent-ils ? Que vous êtes ici, et peut-être que Mlle Gerbois y est également, car ils ont dû la voir arriver avec une dame inconnue. Mais moi ? ils ne s’en doutent pas. Comment me serais-je introduit dans une maison qu’ils ont fouillée ce matin de la cave au grenier ? Non, ils m’attendent pour me saisir au vol… à moins qu’ils ne devinent que la dame inconnue est envoyée par moi et qu’ils ne la supposent chargée de procéder à l’échange… Auquel cas ils s’apprêtent à l’arrêter à son départ…

Un coup de timbre retentit.

D’un geste brusque, Lupin immobilisa M. Gerbois, et la voix sèche, impérieuse :

— En place, Monsieur, pensez à votre fille et soyez raisonnable… Quant à vous, Me Detinan, j’ai votre parole.

Sans la moindre hâte, il prit son chapeau, ouvrit doucement la porte du salon, et, s’adressant à la dame blonde :

— Vous venez, chère amie ?

Ils sortirent.

Un coup de timbre, puis des coups répétés et des bruits de voix sur le palier.

Résolument, M. Gerbois passa dans le vestibule. Arsène Lupin et la dame blonde n’y étaient pas. Il ouvrit.

Ganimard se rua.

— Cette dame… où est-elle ? Et Lupin ?

— Il était là… il est là.

Ganimard poussa un cri de triomphe.

— Nous le tenons… la maison est cernée.

Me Detinan objecta :

— Mais l’escalier de service ?

— L’escalier de service aboutit à la cour, et il n’y a qu’une issue : la grand’porte : dix hommes la gardent.

— Mais il n’est pas entré par la grand’porte… Il ne s’en ira pas par là…

— Et par où donc ? riposta Ganimard… À travers les airs ?

Il écarta un rideau. Un long couloir s’offrit qui conduisait à la cuisine. Là, Ganimard constata que la porte de l’escalier de service était fermée à double tour.

De la fenêtre, il appela l’un de ses agents.

— Personne ?

— Personne.

— Alors, s’écria-t-il, ils sont dans l’appartement !… ils sont cachés dans l’une des chambres !… il est matériellement impossible qu’ils se soient échappés… Ah ! mon petit Lupin, cette fois ; c’est la revanche.

Maurice Leblanc.

(La suite au prochain numéro).

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