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Il entra comme un fou et, d’une voix hâtive, haleta :

— Le commissaire, s’il vous plaît.

Calmement, l’employé répondit :

M. Gervais est dans son bureau, vous passerez à votre tour.

D’un coup d’œil, M. Brique explora la pièce : cinq personnes se morfondaient sur des bancs. Il fut révolté.

— Attendre ! moi, attendre ! Mais, monsieur, c’est impossible, ma femme me trompe ! elle est en train de me tromper !

D’un geste, l’employé sembla dire : « Je regrette beaucoup, je n’y peux rien… » et M. Brique s’affala sur une chaise. Il paraissait anéanti. Son dos s’arrondissait sous un malheur trop pesant. Fixés à terre, ses yeux agrandis s’acharnaient évidemment après quelque horrible vision.

Il avait un aspect consacré d’époux trahi. Petit, gros, le visage rouge, le cheveu rare, la tournure disgracieuse, il jouissait d’un ventre qui le vouait inévitablement aux infortunes conjugales.

Le commissaire ouvrit sa porte. M. Brique se précipita en même temps qu’un autre solliciteur. Il fut repoussé, mais il se cramponnait au bras de M. Gervais en bégayant :

— Je vous en prie, monsieur, ma femme est en train de me tromper.

L’autre se dégagea, et son mouvement d’épaules signifiait : « Qu’est-ce que voulez que ça me fasse ? »

L’indifférence de tous ces gens stupéfia M. Brique. On aurait dit en vérité que son cas se présentait chaque jour. Il en fut froissé, se croyant au moins