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chait son visage, comme sa demeure bien close et ce mystère qui flotte au tour des Mauresques me cachaient sa manière de vivre, comme la différence de nos races me cachait ses pensées et ses rêves.

Un soir, elle m’ouvrit.

— Viens, me dit-elle d’une voix tranquille. Lui, il est parti.

Elle me fit monter un escalier de pierre, conduisant à la terrasse qui dominait la maison. De là, j’aperçus d’autres terrasses où des ombres blanches erraient comme des fantômes.

La nuit était silencieuse. Des souffles brûlants nous frôlaient, chargés de ces arômes inconnus que la brise recueille dans le calice des fleurs, dans les branches des arbres, sur l’immensité des sables, sur la crête des vagues et dont elle fait en les berçant une senteur indéfinis sable. Devant nous s’étendait l’espace, large et bleuâtre. Sur Alger et sur la mer, les étoiles éparpillaient de la clarté pâle.

Elle prit des coussins, les disposa en forme de divan et, découvrant le bas de sa figure, murmura :

— Regarde-moi.

Je m’agenouillai, éperdu, balbutiant :

— Comme tu es belle, Zouina !

De son bras nu, elle m’entoura la tête. Sa peau me grisait et aussi un parfum de musc qui émanait de ses vêtements. Lentement, elle se pencha vers moi, son haleine m’effleura et ses lèvres se collèrent aux miennes.

Je l’étreignis. Sa taille ploya. Mais elle parvint à se redresser et, suppliante :

— Non, donne ta bouche, ta bouche seulement…


Alors elle se mit à me câliner avec des gestes tendres qui endormirent