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se résoudre lui-même.

Ainsi s’évanouirent les derniers vestiges de sa volonté. Ce fut une chose, un jouet. Sa femme, son ami, des étrangers au besoin, en tenaient les ficelles.

Cela dura cinq années.

Or, un matin d’avril, Jacques sortait à cheval de son hôtel, quand un individu s’avança, lui remit une lettre et partit. Jacques déchira l’enveloppe et lut :

« Monsieur, à l’heure actuelle, votre femme se promène au square Laborde avec un jeune homme. Ce monsieur habite précisément rue Laborde et essaye d’entraîner votre femme chez lui. Arriverez-vous à temps ? Je le souhaite. »

Un frisson le secoua. Il ne douta point de son infortune. Tant de souvenirs subitement l’en convainquaient. Quel écroulement !

Sa stupeur dominée, il se dit : « Que faire ? » Tout de suite il hésita. Galoper ? Surprendre les coupables ? Les empêcher de perpétrer le crime ? Mais son cheval, que deviendrait-il ? Aller à pied, son costume le lui interdisait. Rentrer et changer de vêtements, que de précieuses minutes perdues ! Et puis, là-bas, dans ce jardin, comment se conduire ? Il tuerait Lucienne et son amant. Soit. Mais au moyen de quelle arme ?

Au milieu de la chaussée, sur son cheval, il gesticulait. Des passants le considéraient, ébahis.

Mais il avisa, courant vers lui, le domestique de Morel. Et cet homme haleta :

— Vite, que monsieur vienne. M. Mo-