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Elle vit donc ce mariage sans enthousiasme. Les époux s’en allèrent. Elle trouva près du garçon d’honneur de son gendre une consolation efficace.

Cette liaison et la suivante lui firent agréablement passer deux années. Puis, trahie, elle se rejeta vers Thérèse.

Son intervention, du reste, n’était pas inutile. Tout de suite elle flaira dans le jeune ménage des symptômes de brouille. On ne se parlait pas. Les regards se fuyaient. Un dénouement si rapide l’inquiéta. Est-ce que déjà sa fille… ? Elle s’enquit. Pressée de questions, Thérèse, en larmes, avoua. Son mari la délaissait, épris de quelque figurante de théâtre.

Madame Delnard ressentit une sorte de désappointement. Ce n’était que cela ! Son amour maternel lui suggéra une série de phrases consolatrices. Et elle conclut :

— J’espère que de ton côté tu ne manqueras pas…

— Oh ! maman, interrompit Thérèse, tu me connais.

Madame Delnard se tut. Elle regardait sa fille d’un air apitoyé. Quel terrible assaut subissait cette petite âme vertueuse ! Hélas ! l’isolement et le temps achèveraient l’œuvre commencée. Elle frissonna, prévoyant les angoisses de son enfant, ses révoltes avant, ses remords après. Mais elle serait là, elle, la mère, douce et réconfortante et pleine de pardon. Elle épargnerait à la coupable les remontrances inutiles. Elle lui expliquerait la vie, ses exigences, la fatalité des compromissions, et combien, au fond, tout cela est peu de chose.

Dès lors elle attendit. Le résultat ne laissant aucun doute, elle se plut à étu-