Page:Leblanc - Contes Heroïques, parus dans Le Journal, 1915-1916.djvu/37

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qui gonflaient son cœur de monter jusqu’à ses yeux, Mais il ne put les retenir en voyant ce petit être qui était né de son amour.

— « Nonoche, pensa-t-il, c’est donc à lui qu’elle a donné ce surnom ? »

L’enfant détendait ses membres, se tournait et se retournait ; puis, tâchant de se dresser, dirigeait vers lui ses yeux bleus et vagues encore. Il fit un effort pour regarder, et se mit à sourire.

Ah ! ce sourire, comme il pénétra, loin dans l’âme de Jacques, le remuant tout entier et l’imprégnant d’une joie surhumaine ! C’était le sourire de Marceline. Il le reconnaissait. Et il reconnaissait la bouche de Marceline, les yeux de Marceline…

Dans le silence, une sorte de dialogue se poursuivait entre le père et le fils. L’enfant souriait toujours et le père lui disait :

— J’ignore ton vrai nom, mais c’est bien toi qu’elle appelle Nonoche, n’est-ce pas ? C’est bien toi ? Tandis que je me battais là-bas, elle t’a porté dans ses flancs, et elle t’a mis au monde, et elle t’a donné son lait. Car elle te nourrit elle-même, n’est-ce pas ? N’est-ce pas, mon petit Nonoche, elle travaille pour que tu vives, pour que tu ne manques de rien, et pour qu’à mon retour je trouve un gaillard solide, qui a une bonne mine et qui est d’aplomb sur ses jambes…

L’enfant ne cessait de sourire. Il jeta quelques balbutiements. Jacques lui dit à voix basse :