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Page:Leblanc - Contes Heroïques, parus dans Le Journal, 1915-1916.djvu/54

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— La ferme se prêtait fort bien à la défense. Les bâtiments étaient solides, disposés comme il convenait, percés de petites fenêtres. J’avais à peine fini de m’y installer avec une section que les premiers obus tombaient autour de l’église. Après quelques tâtonnements, le tir ennemi, dont nous pouvions voir l’effet terrible, fut rectifié. L’église s’écroula et toutes les maisons qui l’avoisinaient furent touchées. Quelques-unes flambaient.

— Martineau, lui dis-je, il est probable que le petit café de ta sœur…

— Oh ! bien sûr qu’il n’en reste plus grand’chose, me dit-il.

Il était un peu pâle. Cependant il prononça ces paroles avec une résignation où il y avait de l’indifférence, et il ajouta :

— C’est la guerre, mon lieutenant.

— Le bombardement continuait, plus violent, et plus proche. Un taube, qui plana au-dessus de nous, dut nous aviser et faire des signaux, car, au bout de quelques minutes, un obus s’enfonça dans la terre molle du potager.

— Crebleu ! jura Martineau, ils nous ont repérés. C’est-y pas malheureux !

— Tu as peur, Martineau ?

— Ma foi, non, mon lieutenant. Seulement, c’est par rapport à ce que…

— Eh bien, quoi ?

— Eh bien, voilà, mon lieutenant, c’est ma ferme, ici… Alors, n’est-ce pas ?…