Page:Leblanc - Contes Heroïques, parus dans Le Journal, 1915-1916.djvu/28

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Brusquement elle ouvrit et entra.

C’était son boudoir, et, du premier coup d’œil, elle vit que tout était en ordre. Dehors, sur la grande terrasse qui s’étendait en avant des fenêtres, s’accumulaient, contre le parapet de pierre, des sacs de sable. Au delà, dans la campagne familière, les ravages, le hérissement des tranchées. Mais à l’intérieur de la pièce, le calme, l’harmonie, chaque chose à sa place habituelle, les fauteuils rangés comme à l’ordinaire, les bibelots intacts, les rayons chargés de tous leurs livres.

Un seul changement. Sur la table qui s’appuyait au mur, sous son portrait, il y avait des fleurs, des fleurs en quantité, des fleurs pêle-mêle, qui montaient jusqu’au cadre et l’envahissaient, des jonchées de fleurs, dahlias, phlox, asters, roses, reines-marguerites, glaïeuls, géraniums, fleurs mortes déjà, toutes sèches, mais si vivantes encore par la couleur !

Elle sourit en songeant que des mains françaises les avaient cueillies dans son jardin et déposées devant son portrait. Des mains françaises ! Elles n’avaient pas ouvert le tiroir de son bureau, ni desserré les cordons de son sac à ouvrage, ni écarté le petit bloc de cristal qui pesait sur ses papiers. Mais elles lui avaient rendu l’hommage délicat qui pouvait lui plaire.

Et, ayant levé les yeux vers la porte qui faisait communiquer son boudoir avec sa chambre, elle vit qu’un mince cordon de toile était tendu de la porte à la cloison et que deux cachets rouges en scellaient les deux extrémités.

— Ah ! dit-elle, toute troublée, ils ne sont pas entrés dans ma chambre…