Page:Leblanc - De minuit à sept heures, paru dans Le Journal, 1931.djvu/23

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Cette fois, le silence tomba entre eux. Une méfiance réciproque, une antipathie, fondée sur des différences essentielles de caractère, demeuraient latentes sous les apparences cordiales de leur association bizarre, périlleuse pour l’un qui agissait, intéressée pour l’autre qui profitait largement des opérations qu’il indiquait.

Cette association datait de la guerre. Le Russe Ivan Baratof, aventurier de finance d’une grande énergie et d’une remarquable habileté, spéculateur audacieux et équivoque, ne reculant devant aucune besogne pourvu qu’elle lui rapportât, avait dû fuir la Russie lors de la révolution, et trafiquait dans les parages de la mer Noire quand il avait fait la connaissance de Gérard, jeune soldat français, engagé volontaire. Baratof, qui possédait à un haut point la connaissance des hommes, avait reconnu en Gérard d’incomparables qualités de courage, d’audace, de prudence aussi, qui devaient faire de lui un agent hors ligne pour les entreprises que permettaient ces temps troublés.

Après l’armistice, Gérard, démobilisé, était venu, sur la demande de Baratof, le retrouver en Pologne. Le Russe, dès lors, l’avait employé à toutes sortes de besognes de contrebande, besognes facilitées par les relations que Baratof entretenait avec les agents subalternes de la police bolcheviste. Gérard, sous des déguisements divers et muni de papiers en règle procurés par ces correspondants policiers de Baratof, faisait des expéditions dangereuses pour le service de particuliers, clients du Russe. Il préparait et facilitait l’évasion de personnages qui, leur for-