Page:Leblanc - De minuit à sept heures, paru dans Le Journal, 1931.djvu/62

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Dans le train d’Enghien à Paris, dans le wagon de premières où elle était montée, Nelly-Rose avait choisi pour s’y asseoir un compartiment occupé déjà par plusieurs personnes.

Elle avait peur de la solitude, peur que le hasard ne lui infligeât encore une mauvaise rencontre. Malgré ses habitudes d’indépendance, c’était la première fois qu’elle s’était trouvée, seule, la nuit, en butte à la poursuite brutale des hommes. Elle en gardait une horreur et un dégoût insurmontables. Un tremblement nerveux, qu’elle n’arrivait pas à réprimer, l’agitait encore. Elle essayait en vain de vaincre son désarroi. Sa décision toutefois restait la même. Elle avait promis, elle tiendrait.

Le trajet eut lieu sans incidents, et la jeune fille était un peu plus calme en débarquant à la gare du Nord. Elle vit l’heure : onze heures et demie… Avec un taxi, elle serait au Trocadéro à minuit moins le quart.

Place du Trocadéro, elle entra chez elle par une porte personnelle, elle passa dans son boudoir, but un peu d’eau fraîche, et respira des sels pour se remettre définitivement.

Elle croyait que l’appartement de sa mère était désert, mais, cet appartement pouvait constituer un refuge, une protection. Elle en ouvrit la porte et fut étonnée. Une vague musique langoureuse venait jusqu’à elle. Qu’est-ce que cela voulait dire ? Elle avança sans bruit dans le couloir, entendit les voix de Dominique et de Victorine… Ah ! Mme Destol leur avait dit de rester, sans doute pour évincer le visiteur de minuit, et ils se livraient à leur passion musicale…

Elle rejeta son manteau ; sa robe blanche moulait son jeune corps,