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la fortune de m. fouque

partement, montait poussiéreuse de la rue criblée de soleil, tombait âcre et malsaine du plafond où s’accumulaient des nuages de fumée.

Deux de ces messieurs jouaient au piquet ; les autres, le gilet déboutonné, les jambes allongées, la pipe aux lèvres, causaient gravement de choses sérieuses. La récolte s’annonçait bien cette année, les pommes donneraient, il y aurait de la prune. Seulement il fallait un peu de pluie, car le paysan se plaignait déjà de la sécheresse. Puis on attaqua la politique. Les avis se partagèrent. La résistance du ministre ne pouvait durer, on en a assez de lui, disait l’un. — Il y est, qu’il y reste, répliquait l’autre, on n’aime pas les changements en France.

Assis dans un coin, M. Fouque contemplait d’un regard vague une rangée de peupliers qui bordait l’autre rive du fleuve, pendant qu’autour de lui s’égouttaient lentement les paroles banales et importantes. Il n’entendait pas. Il méditait, le coude appuyé, le menton sur son poing, comme un homme assailli d’ennuis et dont la pensée a besoin de se recueillir.

Soudain une voix le tira de son engourdissement :