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les époux dumouchel

puis une autre, puis cinq, puis dix, puis vingt, et chacune d’elles les écraserait sous un même fardeau de peines, d’insuccès, de désillusions.

— Ce sera plus terrible, s’exclama François, répondant à leurs réflexions intimes, car la gueuse grandira, et les dépenses augmenteront. La pension de mademoiselle, les leçons de piano, de dessin, de danse, les toilettes de mademoiselle, la dot de mademoiselle, le trousseau de mademoiselle, vrai, il n’y en aura que pour cette mijaurée.

L’avenir se dévoilait à eux, plus sombre encore que l’heure actuelle. Jamais ils ne recueilleraient le prix de leurs fatigues. Jamais ils ne se reposeraient à l’ombre de leurs arbres, devant leur propre maison, dans un jardin à eux qu’ils cultiveraient paisiblement sans souci du lendemain.

Ils se voyaient appauvris, vieux, infirmes, contraints cependant de travailler indéfiniment pour leur fille, cette sangsue qui aspirait leur argent, leur force, leur santé. Et cette vision donnait à leur visage une expression féroce.

Soudain ils crurent entendre un soupir qui partait du premier étage, quelque chose comme une plainte étouffée.