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un amour

son boudoir de brocarts anciens, de damas rares, d’étoffes précieuses, dont elle aimait, parmi les peluches modernes, les tons passés et les couleurs éteintes.

Une paix infinie régnait en ce recoin d’hôtel, que le manque d’ouverture préservait du bourdonnement de la rue, et où les bruits intérieurs venaient expirer contre les lourdes tentures et les draperies des portes. Par suite, le silence s’imprégnait d’une sorte de mystère. Jamais violé, il s’entassait là, s’y accumulait, s’y multipliait, devenait l’hôte tout-puissant de ce sanctuaire de femme. Il émanait aussi peut-être de ces choses mortes, de ces chapes usées, de ces bois piqués, de toute cette défroque d’autrefois, qui dormait au fond de quelque grenier ou dans la poussière d’une sacristie.

Marthe ne le troublait guère. Elle agissait par gestes lents, mesurés, pondérés, en harmonie avec ce milieu recueilli. Un calme profond se dégageait de toute sa personne, une certaine nonchalance, comme une courbature des membres, si grande que parfois son ouvrage tombait sur ses genoux et qu’elle demeurait immobile des minutes entières.