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un amour

de soleil, de sites poétiques et romanesques, et ils s’extasiaient, débordant d’un lyrisme contraint. S’ils dénichaient un sentier ombreux, un coin d’herbe parsemé de fleurs, ils imposaient à leur bouche un sourire ravi, à leur visage l’expression de personnes satisfaites, qui n’ont plus rien à souhaiter.

— Comme nous sommes heureux, s’exclamaient-ils d’une voix convaincue.

Mais au fond d’eux gémissait le souvenir de leur fils. Cet enfant, qui unissait leurs destinées d’une façon si indissoluble, creusait un abîme entre leurs pensées. Ils n’en parlaient jamais et cela sans motif précis, par une convention tacite qu’ils n’auraient su expliquer. Chacun d’eux craignait peut-être d’ajouter sa propre peine à la peine de l’autre ; et leur réserve les induisait même à éviter toute incursion dans les années écoulées depuis la naissance de Georges.

Ils remontaient plus loin, aux premiers temps de leur liaison, ils y glanaient ce qu’il y avait de meilleur et de plus consolant, des réminiscences de rendez-vous, de parties fines, d’équipées amusantes et dangereuses, ils s’excitaient à ressusciter un tas de petits faits enterrés