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roméo et juliette

accoudée au balcon, et moi, caché dans l’ombre, la voix tremblante, je déclamais :

« Ô parle, ange des cieux dont la clarté m’inonde,
« Dont les ailes là-haut vont planer sur le monde,
« Et dont l’œil des mortels, sur le nuage blanc,
« Contemple stupéfait le vol étincelant ! »


Il me semblait que tout cela était vrai, que c’était Lucie qui m’attendait toute frissonnante, et que la nuit nuptiale s’ouvrait devant nous, douce et voluptueuse. Et une ardeur violente m’envahissait et me fouettait le sang.

Les tableaux se déroulaient et je parlais ainsi qu’en un songe, oubliant mon existence et luttant avec une énergie féroce, comme s’il se fût agi de mon bonheur lui-même, de mon amour, de ma Lucie.

Oh ! le cri déchirant qui brisa ma poitrine quand j’appris la mort de Juliette. C’était mon aimée qui mourait loin de moi, c’était ma vie qui s’éteignait là-bas. Et je rugissais, le cœur tordu, tout secoué par mes désirs qui jamais ne s’assouviraient.

Une boutique de vieux juif se trouvait près de moi, je frappai, il m’ouvrit et j’achetai du poison.