son. Ils m’ont remué, ces enfants, ils m’ont fait entrevoir le fond de mon âme, le fond de votre âme aussi, débarrassées de tout ce que nous y avons accumulé d’illusions, depuis quarante ans, de mensonges et de faussetés depuis ces quelques jours.
Et il s’exclama en appuyant sur chaque syllabe :
— Car nous mentons, Lucienne, nous mentons et nous le savons maintenant. Tenez, soyons francs.
Elle joignit les mains, comme si elle eût imploré sa pitié, mais il continuait d’une voix dure :
— Qu’y a-t-il derrière vous ? Rien. Tout ce que vous vous rappelez est futile, mauvais, banal. Tous les êtres que vous avez connus n’ont laissé dans votre mémoire aucune empreinte. Votre mari ? Vous ne l’avez pas aimé. Sa mort ? Vous n’en avez pas souffert. Vous avez vécu seule. Pas une fois vous n’êtes sortie de cet isolement, de la cellule où chacun de nous est cloîtré. — Moi, de même. J’ai mangé, j’ai bu, j’ai dormi. Après ? Rien. Chez l’un et l’autre, des deuils, des fâcheries, de nouvelles connaissances des changements de domicile, et c’est tout. Mais