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la fortune de m. fouque

Il y avait à Caudebec dans un café voisin du cercle, le café de la Marine, une bonne, une Normande grasse et râblée, bien en chair, appétissante. Depuis un an, tous ces messieurs se disputaient Maria Ferrand — ce surnom lui venait de sa liaison avec Ferrand qui l’avait débauchée.

Au début, les soupirants étaient si nombreux que Maria leur fixait leur tour plusieurs jours auparavant.

On quittait le cercle de bonne heure et l’on se rendait en bande au café de la Marine. Là, dans une pièce du fond, où l’on se cachait afin de n’être pas aperçu des passants, ces messieurs se livraient à leur gaîté. Pour bien marquer son choix, Maria s’asseyait sur les genoux de l’élu du jour, et l’on buvait à la santé du « nouvel époux ». Celui-ci, très fier, convenablement ému, payait une tournée. Puis on aidait le patron à fermer sa boutique, on s’en allait, et, cent pas plus loin, « l’époux » donnait des poignées de main à ses amis, revenait sur ses pas, et montait furtivement l’escalier qui conduisait à la mansarde.

Au bout de quelques semaines, tous les membres du cercle avaient opéré cette escalade.