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gouilles, ni la dentelle des pierres. Le frisson se dérobait.

Il ne s’obstina pas. Le développement de son goût suffisait à lui prouver la nullité de ses peintures. Il les brûla. Il ne produirait pas. Il serait un amateur, un dilettante.

La science et l’art faisant faillite, ses aptitudes le prédestinaient donc à la gloire du penseur. Alors il absorba pêle-mêle une indigeste bouillie de romans, de poèmes, de drames, de traités métaphysiques et psychologiques. Ainsi du sang nouveau s’infuserait dans ses veines. La circulation d’éléments étrangers l’enrichirait.

Quand il se crut décemment fortifié par ce régime et assoupli par cette gymnastique, il résolut d’essayer sa valeur. Plusieurs branches intellectuelles le sollicitaient. Seulement la branche philosophique, plus flexible, permettrait des exercices plus variés. Il s’accrocha à une théorie du remords.

Tout de suite le style l’arrêta. Il y a deux systèmes : en posséder un personnellement, ou s’inspirer d’un maître. Le premier est bien préférable, mais un écueil se dresse : en quoi consistent l’originalité, la grâce, le charme, le style ? Les uns préconisent les périodes élégantes, où on berce l’idée, les phrases qui se balancent comme de grands oiseaux, avec des bonds symétriques et une chute progressive. Les autres prônent les petits traits pointus. Ils sifflent, comme des flèches. L’idée s’enfonce.

Qui écouter ? les partisans de l’harmonie ou ceux de la concision ? Ne serait-il point nouveau de marier leurs conseils suivant le genre des idées ? Le résultat fut piteux. Car il ne discernait pas celles qui réclament un balancement