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cernées, sa taille élargie, sa marche plus pesante.

— Pourquoi ce dévouement ? M’aime-t-elle ?

Un jour, la belle-mère grogna :

— Ma fille, c’est ridicule ; voilà cinq nuits de suite que tu veilles, dans l’état où tu es… Louise répondit :

— C’est mon devoir, maman.

Ce fut si net que Marc pensa :

— Je puis être malade encore vingt nuits, son devoir la retiendra ici.

Et par là, soudain, Hélienne comprit l’âme de sa femme. C’était un être de devoir.

Elle le soignait par devoir, elle agissait par devoir, elle vivait par devoir. On lui avait, dès son enfance, imposé ce guide commode, qui la mènerait au tombeau par un chemin régulier. On n’y rencontre ni ornières ni côtes. Aux carrefours, des poteaux indiquent la route.

On n’a qu’à se laisser mener.

Marc se dit :

— C’est donc pour cela que je l’ai épousée. J’ai eu l’intuition de sa nature. Quelle meilleure compagne pouvais-je choisir ?

D’avance il saurait toujours ses décisions. Et jamais ces décisions ne compromettraient sa dignité d’épouse, ou de mère, ou de fille, ou de chrétienne. Elle lui obéirait. Elle se sacrifierait à lui, non par amour, ni par estime, ni par esprit religieux, mais par devoir. Il était le mari.

Marc fut très heureux, car en sa vie un peu éparse, elle serait comme une borne immuable, et cela lui permettrait de s’aventurer avec plus de hardiesse.

L’accouchement eut lieu sans incidents. Ce fut un fils.