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dément, pourquoi est ce que je sens ainsi ?

Il s’avisa qu’une série de mouvements inconscients l’avait rapproché de Bertrande. Il était étendu le long d’elle, tout petit à côté de son buste dressé. Une odeur émanait de sa robe. Il n’arriva pas à la définir, quoiqu’elle lui semblât très simple. Il pensa au parfum des champs et au parfum de la mer.

Il restait là, immobile. Sur le rivage et sur l’Océan, de l’ombre sereine se posait. Les ciels d’enfer et de rêve s’évanouirent. La solennité du grand repos planait.

— Comme je comprends, balbutiait Marc intérieurement. Je n’ai jamais rien compris de la sorte.

L’émotion baigne les nerfs comme une eau miraculeuse et les détend. Les jolis ouvrages que notre égoïsme façonne, s’émiettent comme des tas de sable. Et l’on redevient l’homme nu, sans vêtement d’hypocrisie, palpitant et régénéré.

De toute son âme, Marc contemplait la nuit imminente. Et il sentit peu à peu qu’une autre âme auprès de la sienne regardait aussi et que, toutes deux, l’eau merveilleuse les baignait. C’était la première fois qu’il sentait ce contact presque matériel. Il avait sans doute conçu, par leurs gestes, par leurs paroles, par l’observation de leurs pensées, l’existence d’êtres différents de lui. Jamais, il n’avait eu l’intuition d’une âme étrangère, qui vécût durant une minute de la même vie que la sienne.

Et celle-là vivait fortement. Il se blottit contre elle. Et il regarda les choses. Et les choses acquirent une autre signification. Elles lui apparaissaient comme elles sont, amicales et douces et très proches de qui les implore. Il éprouvait