Page:Leblanc - L'œuvre de mort, paru dans le Supplément du 23 mars au 24 juin 1897.pdf/215

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Elle dit d’un ton simple :

— Je ne vois rien de nouveau qui m’y contraigne.

Marc préféra qu’elle n’eût pas compris. Renseignée, elle l’aiderait ou le haïrait. Sans espoir de secours, il se résigna désormais à la prison secrète où il était enfermé avec l’idée monstrueuse. Dans l’ombre, le duel se déroulerait, tragique et féroce.

Comme il lui paraissait plus terrible que le premier ! Jadis il avait eu le loisir de s’accoutumer à la tentation. Elle se formait peu à peu sans qu’il en remarquât l’accroissement. Un jour il arrivait que tout était prêt comme un complot machiné en dehors de lui.

Ce fut un effroi constant. Après les rares minutes où ses occupations le distrayaient de l’idée, il tremblait que quelque combinaison ingénieuse eût germé dans le mystère de son esprit. À quel point exact en était le projet ? Demeurait-il à l’état vague ? Acquérait-il de la consistance ? Il s’obligeait ainsi à une attention soutenue, pour n’ignorer rien de ce qu’il pensait de plus obscur.

Et l’idée, examinée en tous sens, se fortifiait de raisonnements et de souvenirs. L’acte, cette fois, n’impliquait plus la nécessité d’entrer dans l’inconnu. Il y avait un précédent. De prime abord, tuer semble chose inexécutable ; il savait, lui, que c’est fort possible, assez facile même, que la réflexion supprime tous les obstacles, que l’habileté écarte tout châtiment, et que l’intelligence abolit tout remords.

Il observait sa femme, et ce n’étaient pas de vaines paroles, mais des faits précis qu’il énonçait en disant :

— Une suite de méditations rigoureuses, et je serai en état d’anéantir