Page:Leblanc - L'œuvre de mort, paru dans le Supplément du 23 mars au 24 juin 1897.pdf/221

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

quement. Mais la bravade apparente de ce sourire ne les trompa pas sur leur angoisse réelle. Et Marc ne trouva pas que Bertrande répétait de vieilles paroles usées quand elle prononça :

— Cela vaudrait mieux que tout.

En vérité, à cette minute, Hélienne tressaillit d’un grand désir de néant. L’approche de la mort l’exalta. Tandis qu’il mesurait la hauteur du parapet, il suppliait :

— Veux-tu, mon amie ? veux-tu ?… Quelques secondes, et ce serait fini… fini...

Elle balbutia :

— Ne me tente pas, Marc, j’y pense trop souvent… S’il n’y avait pas les deux bonnes gens à la maison…

Elle disait vrai, et il en fut certain. Et sa propre peine s’effaça, tellement il eut pitié de la savoir si misérable. Il se rappela l’altération de sa figure. Il devina ce qu’il avait fallu de sanglots et de défaites pour la jeter comme une épave sur cette côte, ce qu’il fallait de désespoir pour que cette créature de vie et de jeunesse n’espérât plus qu’en la mort.

— Ma pauvre chérie, pardonne-moi, je ne t’ai fait que du mal, mais, écoute, tu seras heureuse et heureuse comme tu rêves de l’être… oui, je te le jure, Bertrande, j’agirai, tu entends, j’agirai.

Il lui importait peu qu’elle comprît. Sa main étendue en un geste de serment, il prenait l’immensité à témoin de sa résolution implacable. C’eût été odieux de ne pas secourir sa douloureuse amie alors qu’il en avait le moyen et qu’il la pouvait sauver en se sacrifiant.

— Que j’hésite quand je n’ai en vue que mon bonheur et mon amour, soit. Mais je me mépriserais de tarder quand