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s’y blottit. Et tel était son effroi, qu’il se jura d’attendre l’issue de la crise, entre les murs protecteurs de la maison paternelle.

Or, un matin, Marc, en descendant, trouva la porte de son père entr’ouverte. Il s’en étonna, le sachant dehors, et M. Hélienne ayant l’habitude de fermer à clef. Bien plus, personne ne pénétrait dans cette chambre et lui-même n’en avait jamais franchi le seuil. Par quelle étourderie le vieillard s’était-il départi de son inexplicable précaution ?

Il poussa la porte. Rien de spécial ne le frappa. Une cretonne à grosses fleurs drapait le lit, les chaises et les fenêtres. Des chaises et un secrétaire composaient l’ameublement. Il se dit :

— C’est là que vit le bonhomme, c’est là qu’il s’enferme, voilà l’atmosphère où il respire.

Pour la première fois il s’aperçut combien le vieux lui était inconnu. Il ignorait son passé, ses goûts, ses idées, ses espoirs.

— Pourtant c’est mon père. Quelle sorte d’affection a-t-il eue à mon égard ? Si je lui suis indifférent, il aime d’autres personnes, ou des choses quelconques. Lesquelles ? À quoi pense-t-il ? À quoi s’intéresse-t-il ?

Par curiosité, il fit le tour de la pièce. Sur la table de nuit, une pile s’élevait de petits paquets pharmaceutiques avec cette mention : poudre laxative. Le vieux se soignait donc ?

Mais un livre de comptes attira son regard. Quels comptes pouvait avoir le bonhomme ? Il feuilleta. D’abord, il ne comprit pas, ne voulut pas comprendre.