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s’approchant et le frappant à coups de couteau…

Et sous ses paupières closes, le sang ruisselait, tout rouge.


III


En hâte il gagna sa chambre et fit un paquet de ses vêtements. Il ne fallait pas qu’il couchât une nuit de plus sous ce toit. Sur lui soufflait le vent funeste de la tentation, le vent qui tourne les têtes et fait agir à l’encontre des volontés. Toute résistance serait folie. Où irait-il ? Avec quelles armes engager de nouveau le combat de misère ? Questions insignifiantes auprès de la nécessité immédiate de son départ.

Il entendit M. Hélienne monter, puis descendre. Midi sonnait. Ses affaires prêtes, il rejoignit son père. Le vieux murmura, confondu :

— Je te croyais sorti.

Marc affirma :

— Non, j’avais la migraine… Je quitte ma chambre à la minute.

Ils mangèrent. Selon l’habitude, aucun mot ne rompit le silence. Marc n’osait pas lever les yeux, par peur de l’angoisse qui le guettait. Et en effet lorsqu’une force invincible l’y eût déterminé, l’atroce vision reparut. Elle se précisa cette fois, la victime étant plus proche, presque à portée de son bras.

Ce fut du dégoût. Il sentit que jamais, en quelque situation que le hasard le précipitât, sa main ne se résignerait à cet acte. C’était inadmissible. La chose lui sembla même si comique et ses craintes si vaines qu’il eut envie de rire.

Il alluma sa pipe. Un beau soleil d’automne invitait à la marche. Il suivit la rivière.