Page:Leblanc - L'œuvre de mort, paru dans le Supplément du 23 mars au 24 juin 1897.pdf/76

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et c’était Aniella, lui semblait-il, qu’il atteignait ainsi en pressant l’immensité contre sa poitrine libre, Aniella, synthèse momentanée de tous les mondes visibles et de toutes les émotions idéales.

Il redescendit à la nuit tombante.

Le matin il appela :

— Aniella.

Elle vint. Il mit les mains sur ses épaules et regardant son visage, puis son buste, puis ses hanches, il se dit :

— Tout cela va m’appartenir.

La douce et chère petite créature serait à lui, récompense des victoires si durement achetées. Il murmura, sans s’inquiéter qu’elle ne pût saisir le sens de ses paroles :

— Je vais faire de toi ma chose, ce que l’homme fait de la femme dont il s’empare, sa propriété, son esclave.

Il la porta sur le lit. Elle le contemplait, effarée. Sûrement, elle devinait la gravité de l’heure. Il ouvrit le fichu de soie. Quelle différence entre l’impression qui l’envahit, saine et fraîche, et la convoitise d’autrefois, âcre et stérile. Tout geste maintenant n’était qu’un prélude à la volupté naturelle, et non le perfectionnement égoïste d’une œuvre de corruption. Il dénoua la ceinture. Le corps apparut.

Soudain, Marc sauta du lit. Cette fois encore quelque chose l’arrêtait. Et il se disait simplement :

— Je ne veux pas, je ne veux pas, cela ne se peut pas.

Très vite ses désirs s’en allaient, esclaves obéissants. L’ordre s’établit dans le chaos de son esprit. Une lumière sereine le baigna. Et il sut qu’il ne s’autoriserait jamais à prendre la vierge.

Les causes en étaient si nettes qu’elles