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clave de forces supérieures. Le premier devoir est de vivre.

Cette absolution généreuse le soulagea. Il l’étendit à cette pauvre Juliette, victime mal récompensée de son affection pour lui. Elle devait le taxer d’ingratitude. Que n’allait-il la rejoindre et lui dire merci ? Vraiment l’ennui de se déranger fut l’unique cause qui le retint. Une telle bonté s’épanouissait en lui ! Il ne se souvenait même plus de ses amertumes et de ses désillusions. Sans doute la destinée ne le gâtait pas. Mais qui sait si elle ne lui accorderait point un jour le bénéfice de la tranquillité, de la richesse et du bonheur !

Sa pipe s’éteignit, ce qui l’éveilla de ses rêves. Il s’aperçut alors, stupéfait, de leur nature et de leur contraste avec ses sombres pensées habituelles ! Comment s’égarer en ce ridicule optimisme ?

Il réfléchit. Ainsi que son corps, son cerveau s’était régénéré. Parfois on voit avec plus d’acuité, on juge avec une lucidité exceptionnelle. Les ténèbres se dissipent. Les choses prennent leur apparence et les faits leur signification véritables. Hélienne devina l’importance de l’heure. Il pouvait se connaître, savoir exactement ce qu’il valait, ce qu’il espérait, les ressources dont il disposait, celles qui lui faisaient défaut. Le cours de sa vie que barrait un obstacle inattendu, allait inévitablement s’écouler d’un côté ou de l’autre, à droite ou à gauche, selon l’issue la plus propice. Par où et vers quoi ? Il tenta de s’en rendre compte, puisque ses yeux, à l’heure présente, acquéraient tant de puissance.

Il le tenta méthodiquement. Et ses idées naquirent d’elles-mêmes, sans l’effort des enfantements ordinaires.