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Page:Leblanc - L'Enthousiasme, 1901.djvu/103

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L’ENTHOUSIASME

j’avais si peur ! mais ma main saisit le bouton de la porte et poussa le battant.

Geneviève… Geneviève travaillait à l’autre bout de la pièce. Elle leva les yeux, et un faible gémissement lui échappa. Son ouvrage glissa le long de ses genoux. Son buste fléchit.

Dix pas me séparaient d’elle, dix pas infranchissables. Je tombai sur une chaise en tremblant. Dans le silence, elle murmura :

— Oh ! mon chéri, mon chéri.

J’éclatai en sanglots. Son premier aveu, jadis, dans le bosquet, ne m’avait pas ému davantage. « Mon chéri ! » se pouvait-il qu’elle eût prononcé les mots d’autrefois ! Et nous étions là, tous les deux, réunis pour toujours… Quel miracle !

Elle ne bougeait pas et je n’osais la regarder, les bras joints sur ma poitrine, me serrant en moi-même comme si j’avais cherché à ne faire qu’un avec mon bonheur.

— Tu te rappelles, lui dis-je à voix basse ?

— Oui, oui.

— Nos baisers ? nos caresses ?

— Je me rappelle tout.

— Et mon départ ? nos adieux sous les sapins, les feuilles qui tombaient, le fil de fer qui grinçait…

— Je n’ai rien oublié. Depuis trois ans, chaque jour, je songe à tout cela… ce que j’ai souffert, Pascal !

Ses tendres yeux se posèrent sur les miens sans reproche, et des remords me déchirèrent. J’ima-